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Moi bof
Elle était belle mon Évelyne
Christophe Bougenot 3 ans (DCD à 20 ans) ici avec mon fils Didier 6 ans
Séparation et divorce très compliqués avec Denise.
Évelyne Patte, jolie rencontre. Elle travaillait dans le dix-septième arrondissement comme moi. Au début, nous nous voyions très simplement, nous parlions de tout et de rien. Ce qui avait dû nous rapprocher, c’est sans doute un livre : L’Exorciste. Elle lisait aussi ce bouquin. Nous n’avions pas encore vu le film pourtant au box-office.
Évelyne et moi en 1973
Cinq ans pour divorcer.
Évelyne avait été là pour m’aider, heureusement. Elle travaillait comme comptable dans une entreprise d’emballeur-layetier d’objets d’art. Je n’avais pas honte de dire qu’elle avait un très bon salaire. Dès les premiers jours, elle m’a tendu la main. Je ne lui avais rien caché sur ma vie avec Denise et nos divers déboires. Il faut reconnaître qu’il y avait des mois où je ne pouvais rien apporter à notre couple. Entre les avocats, les avoués, les changements de palais de justice et la pension des enfants, ma paie ne suffisait pas. Elle me prêtait un peu, beaucoup, passionnément… si j’ose dire.
Denise m’avait pourri la vie. Sa vengeance fut terriblement insurmontable. Merci à elle, j’ai visité au moins trois villes, surtout leurs palais de justice : Paris, Créteil, puis celui de la ville de Pontoise. Je ne comprenais pas cet acharnement. Dans chaque ville, les avocats refusaient de poursuivre le dossier. Je payais pour rien. Les voleurs, ces gens-là, me disais-je. Abandon d’enfants ? Pour une femme, ce n’était pas grave à cette époque… À bon !
Et voilà le pire : comme chaque jour, je prenais mon travail à huit heures du matin. Une journée comme les autres. Avant d’aller au travail, avec Évelyne, nous allions prendre un petit café ensemble dans une brasserie entre nos deux boulots. Début de journée, notre responsable de service, monsieur Gillet, donnait le travail à chaque chef d’équipe (une table, trois personnes, un chef de table ou d’équipe). Première étape : démaculage du travail de la veille (je reviendrai sur ce mot démaculage ici).
Aux environs de onze heures, je ne m’en souviens plus exactement, Monsieur Gillet, qui était à la réception avec un client, revient vers moi tout bizarre : « Va vite au portail, une personne veut te voir ». J’ôte vite mon tablier, ma blouse, et j’arrive devant l’entrée. Didier et Ghislaine étaient là, en pleurs, en cris : leur mère venait de les abandonner. Déjà loin, elle courait sans se retourner.
Je me suis habillé en vitesse. J’ai retrouvé les enfants. Direction Gagny, à la mairie, aux bureaux des assistantes sociales. J’étais complètement abasourdi. Je m’attendais à tout, sauf à ça. Je me suis expliqué sur ma situation du moment, mon hébergement chez une amie depuis notre séparation. (Je vous passe les détails de mes explications avec les services sociaux.) Ils ont trouvé très vite une famille d’accueil en Normandie.
Vers dix-huit heures, un chauffeur de la petite enfance nous a emmenés dans cette famille. Je les ai accompagnés pour rassurer les enfants. Denise leur avait fait un petit bagage de fortune. Je vous jure que j’étais très mal. Et les enfants pas mieux. Quel traumatisme pour eux. J’en avais conscience. J’étais certain que leur vie serait marquée par ce triste jour.
Trois heures plus tard, nous sommes arrivés dans cette famille d’accueil. Les enfants étaient à bout de forces, durement touchés par cette journée. Ils se sont écroulés de fatigue, si bien qu’ils ne se sont pas doutés de mon départ. Entre-temps, j’avais appelé Évelyne pour lui raconter l’affreuse histoire de cette journée.
Au retour, elle m’attendait. Elle m’a pris dans ses bras. Je pleurais. Mes nerfs avaient lâché.
Le lendemain, retour à Gagny. J’ai été déposer une main courante pour abandon d’enfants. Puis retour à la mairie pour les formalités au bureau d’aide sociale, avec l’espoir d’obtenir une aide pour la garde des enfants. Aide que j’ai obtenue, si peu soit-elle, elle fut directement versée à la famille d’accueil. Je complétais chaque mois.
Je les appelais régulièrement. Je les ai pris plusieurs week-ends avec moi. Mais Évelyne n’acceptait pas Ghislaine, et pour Didier, elle le tolérait tout juste. Alors au final, j’allais les voir seul.
Ghislaine, qui commençait à se rendre compte de la situation, ne souhaitait plus venir avec moi. Apprendre que je n’étais pas son père fut sans doute un traumatisme supplémentaire pour elle, j’ai supposé.
Ghislaine ne voulait plus venir avec nous. Elle préférait rester dans sa famille d’accueil. Alors, avec l’aide des services sociaux d’Aubervilliers, j’ai été rechercher Didier pour l’avoir plus proche de moi. Je l’ai fait placer dans une autre famille. Cette nouvelle famille habitait dans une grande tour appelée la tour Périphérique. Elle donnait — donne toujours d’ailleurs — sur le boulevard circulaire, le périphérique.
Didier n’avait plus grand-chose comme affaires valables. Je ne m’en étais pas rendu compte, mais il avait beaucoup grandi. Avec Évelyne, nous l’avons rhabillé complètement.
La photo doit être de 1973 il devait avoir 6 ou 7 ans et Christophe 3 ou 4 ans.
La photo doit être de 1973. Il devait avoir 6 ou 7 ans, et Christophe 3 ou 4 ans. Tous les deux en marin : le petit Christophe et Didier. Christophe s’est tué peu de temps après avoir eu son permis de conduire. Mon fils Didier est décédé d’un cancer après de longues souffrances, le 28 août 2018, à 50 ans. Je lui ferai une page spéciale.
1972 : mariage de Raymond 1974 : mariage de Danielle ci-dessous.
Enfin, mon fils était près de moi. Chaque week-end, nous passions de merveilleux moments ensemble. Mais chaque fois que je le ramenais, c’était l’horreur : des cris, des pleurs, encore et encore. J’en avais vraiment marre.
Malgré tout ça, une bonne nouvelle : enfin j’avais eu mon permis, après trois essais !Premier essai à l’armée : j’avais été piégé. En civil, c’était interdit à cette époque. Quand tu étais militaire, tu devais rester militaire. Les cons. Donc, je n’avais pas pu passer mon permis.
Deuxième essai : je l’ai passé quand j’étais avec Denise. À cette époque, c’était dans la voiture, et beaucoup à la tête du client, voire même avec des dessous de table et la complicité de l’auto-école. C’est comme ça que René, mon frère, l’avait eu, comme ça certainement. Di Maria, il s’appelait, l’inspecteur. Un pied-noir. Un vrai vice-lard. Sous sa seule volonté, il jouissait — c’était certain — de voir trembler le candidat dans la voiture. Je n’avais pas trop mal répondu à ses questions, mais pour le parcours, j’étais en panique complète. Calé, recalé.
Je le voulais ce putain de permis. Évelyne m’avait offert un 33 tours sur le permis de conduire : « Comment réussir son permis ». Moi, des bouquins, à fond dedans, du rabâchage jour et nuit, des cassettes VHS. Le permis, c’était une grille avec quarante ou cinquante questions sur un écran où passaient quatre mises en conditions du code routier. Il fallait mettre une croix sur la, ou les, cases A, B, C, D.
Di Maria — encore lui — était l’inspecteur principal de l’épreuve. Enfin, convocation à la sous-préfecture du Raincy dans le 93. Début de l’épreuve. Quelle chance, je voyais tout ce que j’avais appris par cœur. Dernier tableau, fin de l’épreuve. Enfin. Arrivé devant mon tortionnaire, il a posé son transparent de contrôle sur ma grille. Une fois. Deux fois. D’un seul coup, il se lève et hurle tout fier : « Hé les amis ! J’ai un zéro faute là ! »
Je n’y croyais plus. Sur cinquante candidats, le seul à faire zéro faute. Je n’en revenais pas. J’ai eu mon papier pour passer la conduite, que j’ai eue en deux passages.
Qui m’a fait passer la conduite ? Di Maria, cette fois encore. Il m’avait dit : « C’est pas mal, mais il vous manque encore un peu de conduite ». La haine. Il ne comprenait pas qu’avec sa gueule de métèque, de juif errant, de pâtre grec (chanson de Georges Moustaki : Le Métèque), il ne devait pas se rendre compte qu’il foutait la trouille au candidat.
Deuxième passage : après plusieurs leçons supplémentaires, je suis enfin tombé sur un autre inspecteur. Tout s’est bien passé. J’étais gonflé à bloc. De toute façon, il ne s’est pas occupé de moi. Il discutait avec le moniteur de l’auto-école, un ami à lui. Tiens donc. Un moment, il me dit : « Allez à droite ». Zut, zut, zut ! Je vais à gauche. Et oui, je suis ambidextre. « Pas grave », m’avait-il dit. « Rattrapez plus loin ». Trente minutes plus tard, je me dis : « Bon bah c’est foutu ».
Il sort un carnet jaune, le pose, puis prend le carnet rose. Hourra ! Après quelques notes, il m’a donné mon papier en me disant : « Bon, je vous fais confiance, je vous le donne ». Ouf ! Enfin, j’avais mon permis de conduire. Le père d’Évelyne nous avait offert sa vieille deux chevaux. Elle tombait trop souvent en panne. Alors nous avions trouvé une belle R8, pas trop chère.
Nos vacances ? Que dans le Sud-Est ou le Sud-Ouest. La mère d’Évelyne avait de la famille des deux côtés. Une année à droite, l’autre à gauche. Première année de permis : la Camargue, en Renault 8 Majeur. Avant, c’était soit le train, soit tassés dans la voiture du père.
Condamnation après avoir rendu à leur mère ses enfants (jugements ici)
J’avais été condamné pour avoir rendu à une mère ses enfants, qu’elle avait pourtant abandonnés quatre ans plus tôt. Une mère indigne de ce nom et qui n’était jamais intervenue pour leur bien-être. En plus, j’avais été condamné pour avoir adopté une fille qui n’était pas de moi, mais issue d’un viol par un marchand de tapis malvoyant — en plus ! Je l’ai appris bien plus tard. Alors, à mon tour, je me suis senti violé par la justice, qui avait profité de ma faiblesse pour me donner l’estocade.
Je trouvais que le juge n’y était pas allé avec le dos de la cuillère. J’étais devenu un voyou et elle recevait des lauriers. C’est ça la justice. J’ai assisté à des jugements en tant que juré. Oui, c’est ça : les jurés sont bidons. C’est le juge qui leur donne son avis pour les jugements. Il est trop juge et partie. Forcément, les jurés suivent le juge, presque à chaque fois.
Oui, j’en ai voulu à ce ou ces juges de ne pas avoir tenu compte que moi, je ne les avais pas mis dehors, et encore moins laissés sans rien. Je m’étais battu pour leur bien-être, même si ce n’était pas parfait.
Moi, j’avais été condamné à payer chaque mois 500 francs (76,22 euros), elle, cent francs (15,24 euros) qu’elle n’avait pratiquement jamais payés. Ce jugement m’avait achevé, mais il avait aussi eu raison de mon couple avec Évelyne.
Foire du Trône en juillet 1975 : j’avais tenu promesse. Je couperai ma moustache si, avec Évelyne, notre histoire prenait fin. Oui, ce n’était pas encore complètement la fin, mais ça n’en était pas loin. Nous en avions parlé longuement. Et puis Évelyne était très portée sur le sexe. Moi, je n’assurais plus trop. Je n’étais vraiment pas à la hauteur. Alors elle allait ailleurs. Je ne souhaite pas salir sa mémoire, car c’était vraiment une chic fille. J’avoue lui devoir beaucoup.
Elle était atteinte de Rhumatisme Articulaire Aigu. Elle m’avait appris sa maladie et aussi comment agir en cas de crise. Le RAA est une affection auto-immune. On considère que les principales cibles, articulaires et cardiaques, résultent d’une analogie entre le streptocoque hémolytique du groupe A et ces tissus. J’avais donc appris à faire les piqûres intramusculaires. Dès qu’elle avait une crise (contractions musculaires, blocages, douleurs très fortes, y compris cardiaques), il lui fallait vite une piqûre d’Extencilline. Ça la fatiguait beaucoup. Elle allait s’allonger le temps que la piqûre agisse. Elle avait toujours sur elle de quoi faire une injection.
L’Extencilline, ce n’était pas rien. C’est un antibiotique puissant, à base de benzathine benzylpénicilline. Il fait partie de la famille des pénicillines, des agents antibactériens utilisés pour tuer certaines bactéries responsables d’infections. C’est un médicament sensible, classé dans les agents antibactériens à usage systémique. Il fallait le manipuler avec précaution. Je m’étais formé pour bien lui faire ses injections intramusculaires. Sans ça, ses crises auraient pu dégénérer.
Une dernière, avant de fermer cette partie de ma vie : un ami d’enfance la pilonnait sans cesse, il la voulait. Mais par deux fois, elle en avait préféré un autre. Quand nous nous sommes séparés, elle avait dit qu’elle irait avec lui. « De toute façon, rien ne m’empêchera de voir ailleurs », m’avait-elle dit.
J’avais trouvé une petite location proche de mon travail, rue Legendre. Nous avons continué de nous voir encore quelques mois… pour le sexe, bien sûr. Il est vrai que j’aimais beaucoup faire l’amour avec elle. Je n’ai pas rencontré de femme avec la même fougue.
Un jour, elle m’avait appelé en disant : « J’ai une crise, viens vite ». Alors j’ai foncé avec ma R8. Je lui ai fait sa piqûre. Elle m’avait dit d’attendre que la crise passe. Elle est passée. Alors elle m’a collé contre elle, m’a embrassé chaleureusement, et m’a dit : « Reste cette nuit avec moi, je veux te faire l’amour une dernière fois. » Cette dernière fois fut vraiment inoubliable.
Il avait fallu que je fasse un choix : l’aquarium et mon tableau ou la Renault 8 Majeur. J’ai choisi la R8… avec quelques regrets.
Ou la Renault 8 Majeur. J'ai choisi la R 8 avec quelques regret.
Et puis est arrivée celle qui, aujourd’hui, partage ma vie depuis quarante ans.
MAIS NON, PAS LA VOITURE !
Évelyne avait accepté, avec ses parents qui poussaient derrière, de se marier avec son ami d’enfance — un catholique limite intégriste. La pauvre. Avec elle, il n’aura pas la loi.
Quelques années plus tard, j’ai appris qu’elle avait eu une fille, neuf mois après notre dernière fois. Je suis certain qu’elle était de moi.
Message de Charly mon ami mon assistant merci pour ton avis sur mon texte.
















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